Coup de projecteur sur le métier
Pour manipuler le dossier de Lucie, il faut s’y prendre avec précautions. Les papiers sont jaunis et fragiles, tellement fins qu’on voit au travers. Malgré le temps, tout reste cependant bien lisible : l’écriture de Lucie, celle de ses employeurs, certifiants qu’elle a bien travaillé pour eux, les sommes perçues, les signatures, les coups de tampon… Ce dossier repose dans le sous-sol de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, au milieu de milliers d’autres.
Plonger dans ces archives, c’est porter un coup de projecteur sur le métier de journaliste. On pourrait penser qu’entre une demande de carte déposée en 1936 et un dossier traité en 2025, il y a un gouffre. En réalité, les questions qui se posent aux membres de la CCIJP restent les mêmes, hier comme aujourd’hui : cette personne travaille-t-elle pour un « support reconnu », autrement dit une entreprise de presse ou assimilée ? Les tâches qu’elle effectue sont-elles de nature journalistique ? Ses revenus sont-ils majoritairement tirés de la presse ? Est-elle payée en salaire ?
Un exercice en constante évolution
Ce qui change, en revanche, c’est l’exercice du métier. Au fil du temps, la CCIJP est confrontée à des demandes de sténographes, de dessinateurs, de JRI, de personnes travaillant pour des sociétés de production… Puis arrive l’ère du numérique : le Minitel, les premiers sites Internet, les premières qualifications de webmaster ou de community manager. À lire les dossiers de demandes, on suit comment la Commission s’adapte et fait ses arbitrages. Aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle qui s’invite dans le débat des frontières du journalisme.
Ces 90 ans d’histoire vont se raconter dans une exposition, présentée pour la première fois aux Assises du journalisme de Tours, au printemps 2026. Parmi les premiers et les premières qui ont nourrit les questionnements de la profession sur elle-même, figurera bien sûr Lucie Hirigoyen, première femme à retrouver sa carte en 1945.